Entrer en écriture dans une autre langue: la voie poétique

· Farid Boulouh / Gérald Schlemminger ·


PID: http://hdl.handle.net/21.11108/0000-0007-DA55-4

Ne crains donques Poëte futur, d'innover quelques termes en un long Poëme principalement, avecques modestie toutesfois, Analogie, & Jugement de l'Oreille, & ne te soucie, qui le treuve bon, ou mauvais: esperant que la Posterité l'approuvera, comme celle, qui donne foy aux choses douteuses, lumiere aux obscures, nouveauté aux antiques, usaige aux non accoutumées, & douceur aux apres, & rudes.1

1. L’écriture universitaire et l’apprentissage du français

Les étudiants (allemands) et futurs enseignants de français sont confrontés à un double défi.2 D’une part, leur cursus universitaire les amène à acquérir des compétences en littératie scientifique (aptitude à lire, à comprendre et à utiliser l'information écrite, ici scientifique) dans les différents domaines de leurs études. Dans leur première langue, ils doivent développer des aptitudes à lire, à comprendre, à utiliser et à communiquer une information écrite d’un niveau universitaire. Il s’agit d’un langage académique (Cognitive Academic Language Proficiency, CALP) plutôt formel, plus complexe, basé sur des indices linguistiques précis, utilisant un vocabulaire spécialisé, ayant une contextualisation réduite. Les études de français – la littérature, la linguistique et la civilisation françaises – font partie de cette spécialisation. D’autre part, tout en manifestant un niveau de français correct (B1/B2 du Cadre européen commun de référence pour les langues, CECRL) à leur arrivée dans l’enseignement supérieur, les étudiants ne maîtrisent pas leur langue 2 (L2) au même niveau de compétence que leur langue 1 (l’allemand). Leur manière de penser et de raisonner est très ancrée dans l’utilisation de leur L1; quoi de plus naturel, leur contexte référentiel reste la culture germanique.
Il se pose alors un dilemme aux étudiants de français: le contexte universitaire exige une réflexion et une conceptualisation à un niveau très élevé (niveau C2) dans la langue académique (L1). Cependant, pour écrire en français (L2, niveau B2), il faut plutôt réduire la complexité de l’énoncé pour qu’il soit correct et compréhensible.
Les étudiants rencontrent alors des difficultés à écrire et à formuler leur pensée en L2. Partant d’une fausse identité (au niveau des signes et d’un point de vue culturel) entre les deux langues, ils passent par une traduction mentale: ils expriment leurs raisonnements en langue 1 et les transposent ensuite directement en français. Le résultat est souvent difficile à comprendre, même si la morphosyntaxe est correcte. La différence culturelle, l’altérité ne sont pas reconnues.3
Voici un exemple type d’écrit incompréhensible de la part d’une étudiante. Elle écrit dans son rapport de stage ce qu’elle a observé lors d’un cours de français au sein d’une école primaire allemande, au moment de la période de Noël: les élèves de français travaillent sur le thème de la crèche: «L´objectif de cette séquence est que les élèves connaissent une crèche, ses propriétés, les animaux et les personnages qu’il y a. En outre, les élèves réactivent le vocabulaire des animaux et rappellent l’histoire des trois rois mages.»4
Dans cet extrait, nous constatons que le problème ne relève pas de l’orthographe ou de la grammaire mais bien de l’expression: il s’agit d’une traduction presque mot-à-mot de l’allemand vers le français. Un lecteur français saisit le sens global mais ne comprend pas précisément ce que l’étudiante veut nous communiquer. Le locuteur ne maîtrise pas les marqueurs discursifs; son écrit ne prend pas en compte la cohérence et la cohésion d’un texte, la coordination de sa pensée et de ses arguments.
En tant qu’enseignant, nous sommes régulièrement confrontés à une telle situation. Se posent alors les questions suivantes:

  • Comment dépasser cet ‹automatisme› d’une traduction naïve des pensées?
  • Comment donner la liberté à l’apprenant de s’exprimer (à l’oral et à l’écrit) plus simplement?
  • Comment communiquer de façon plus appropriée sans passer nécessairement par la langue maternelle?

2. La tradition des dispositifs d’entrée en écriture (fictionnelle)

Les dispositifs d’écriture poétique sont nombreux et ont toujours existé. Faisons un petit rappel de l’essentiel de ce qui existe et de l'historique de celles-ci.
Dans les temps modernes, nous datons les premiers ateliers d’écriture à l’époque de la Commune de Paris. L’une des protagonistes, Louise Michel, les a utilisés, lors de sa déportation en Nouvelle Calédonie, pour aider les Canaques à s’exprimer et à accéder à la parole.5
L’‹écriture automatique› du courant littéraire des surréalistes n’est pas à proprement parler un dispositif mais plutôt une conception de l’écriture. L’objectif est de s’émanciper des règles établies, d’écrire sans contrôle de la conscience, sans se soucier des critères esthétiques et moraux, sans tenir compte de la cohérence grammaticale ou du respect du vocabulaire. L’acte d’écriture est spontané et s’effectue le plus rapidement possible. Elle demande donc un total lâcher-prise.6
Dans les années 1960, Raymond Queneau et François Le Lionnais créent le mouvement OULIPO (OUvroir de LIttérature POtentielle). Pour encourager la création littéraire, ce dispositif public fonctionne sur le principe de contraintes imposées. Il a suscité et suscite toujours de nombreuses publications de textes.7
Rappelons également les ateliers d’écriture de Paulo Freire dans le cadre de l’alphabétisation (en Amérique du sud): celle-ci n’est pas une accumulation, dans la mémoire, de phrases, de mots et de syllabes, détachés de la vie, mais une attitude de création et de ré-création dans le but d’entraîner l’homme à intervenir sur son environnement.8
Dans le domaine de l’enseignement, il faut mentionner la technique du texte libre de C. Freinet, éducateur français du mouvement de l’Éducation nouvelle.9 Il s’agit d’une expression écrite personnelle, socialisée dans un cadre pédagogique précis: une vie de classe riche en échanges (extérieurs, intérieurs) qui incite à écrire; un temps de travail individuel nécessaire à sa réalisation; des outils stimulants (bibliothèque de classe, fichier d’incitation à l’écriture guidée, atelier d’écriture…); un contrat de travail pour gérer les apprentissages et l’ensemble des activités d’écriture possibles; des protections concernant la production (pas de notation du texte libre) et l’éventuelle publication (l’auteur reste maître de cette décision). Le choix du texte et son ‹toilettage› collectif, en vue de sa publication (dans le journal de classe), sont des moments de socialisation de cet acte d’écriture individuel.
Le concept des ateliers d’écriture nous provient des départements universitaires de littérature (américaine/anglaise) des États-Unis, appelés writing workshops. En Allemagne, la création d’atelier d’écriture date des années 1970. En France, des ateliers d’écriture ont vu le jour vers la fin des années 1960 sous l’impulsion du Groupe français d’éducation nouvelle (GFEN). Leur objectif était double: l’apprentissage de l’écriture (la littératie) mais aussi la création littéraire et plus particulièrement poétique. Ce mouvement a eu des répercussions en didactique des langues vivantes à partir des années 1990.

3. L’acte d’écriture et l’apprentissage de la langue

L’influence de la méthodologie audiovisuelle – considérant, à ses débuts, l’écrit comme une simple transcription graphique du code oral – a longtemps escamoté la question de l’écrit et de l’écriture. Les récents travaux et réflexions en didactique de la langue maternelle, issus de l’Éducation nouvelle, commencent à influencer les pratiques de l’enseignement des langues vivantes. Le débat se situe autour du concept et des pratiques de la Erlebnispädagogik, (pédagogie de l’événement), qui part du vécu de l’enfant pour le mettre dans une situation d'apprentissage ‹naturelle›. Elle prône, entre autres, l’introduction de techniques comme le texte libre, l’expression libre, le creative writing, freewriting, der freie Aufsatz, das freie Schreiben
En didactique de l’écriture, nous distinguons aujourd’hui trois positions principales:
L’approche cognitive
Écrire est considéré comme un processus d’appréhension et de construction du monde et de soi qui implique l’auteur, le lecteur potentiel, la réalité et le code écrit de la langue; écrire répond à une demande extérieure (le lecteur, la tâche…) et à une motivation intérieure (les intentions de l’auteur). Le processus d’écriture (percevoir et définir le problème – rechercher une solution – élaborer un plan – transcoder – évaluer) est considéré comme un apprentissage par résolution de problèmes où des modèles gradués servent de référence. Ce concept très linéaire est répandu dans de nombreux programmes et instructions. Il est également défendu par le Groupe Français de l’Éducation Nouvelle (G.F.E.N.).10
L’approche subjective
Écrire est considéré comme une quête de soi, un acte spontané de création individuelle, un processus non linéaire, où l’individu se réalise. Cette approche a été développée par P. Elbow et est proche de la Humanistic psychology et du person-centered approach de C. R. Rogers, psychologue américain qui a travaillé dans les domaines de la psychothérapie, de la relation d'aide, de la médiation et de l'éducation. Il est prisé par certains courants du mouvement Freinet, par certains de leurs acteurs importants comme P. Le Bohec.11
L’approche interactive
Lire, écrire, penser et parler font partie d’un même domaine d’activités psycho-cognitives et se conditionnent mutuellement. Ce n’est pas un acte de reproduction, mais de (re-)création de sens, une interaction communicative et sociale. La pédagogie Freinet a développé ce modèle en mettant l’accent sur la socialisation de ce processus à travers le texte libre, le journal de classe… Aux États-Unis, la Whole Language Theory, également sous l’influence de la Humanistic psychologie constitue, d’après G. Bräuer, l’une des évolutions de l’approche interactive. La pratique du portfolio assessment se situe dans ce cadre.12

4. L’écriture poétique et la didactique des langues

En didactique des langues, l’écriture a, la plupart du temps, comme objectif la fixation ou le transfert linguistiques des faits de langue appris oralement dans la leçon. L’activité d’écriture autonome se manifeste souvent à travers d’exercices semi-dirigés ou libres à orientation créative: créer un poème selon un modèle, inventer une histoire à partir d’un stimulus iconographique, etc.
La poésie a toujours fait partie de la didactique du français langue étrangère (FLE). La plupart du temps, elle sert comme modèle que l’étudiant ou l’élève doit suivre, dont il doit s’inspirer. M. Kirchmeir, par exemple, invite ses élèves à poursuivre la chanson «Brandt Rhapsodie» de Benjamin Biolay. J. Merkelbach-Weis demande à ses apprenants de s’inspirer du poème «Infinitif» de Gilbert Laffaille pour écrire leurs propres textes.13

5. Les objectifs généraux des ateliers d’écriture

Comme nous l’avons indiqué, l’élève, l’étudiant a souvent une relation plus ou moins conflictuelle avec l’écrit (en langue maternelle ou en langue cible). La norme de la langue, et l’écart entre le côté prescriptif de la langue à l’école et ses propres compétences en écriture est ressenti comme un handicap.
L’atelier d’écriture a pour but de réconcilier les apprenants avec l’écrit. Il peut être «médiateur dans une entreprise de retrouvailles avec sa propre écriture»14. Un tel lieu va permettre de structurer, avec délicatesse, l’expression personnelle, d’encourager et de rassurer le scripteur. La partie socialisante de cette activité d’écriture – c’est-à-dire la lecture/présentation de son texte, l’échange avec les autres auteurs, la publication de la version finale de l’écrit – saura valoriser le scripteur. Comme le note J.-C. Peton: «Les diverses activités qui invitent à écrire sur soi, jouent sur les désirs d’expression, pour inciter à écrire; en même temps, elles donnent aussi l’occasion de s’analyser et de mieux connaître autrui, donc d’apprendre à le respecter.»15
Le rôle de l’animateur est celui du guide, proposant éventuellement une aide à l’écriture tout en respectant le rythme, la sensibilité et les intérêts de la personne. Ce contexte, protecteur et aidant à la fois, encourage l’apprenant à s’exprimer, à créer sans jugement, sans correction ni sanction. Une fois qu’il aura acquis un sentiment de plus grande sécurité vis-à-vis de ses capacités d’écriture, il pourra s’investir plus librement dans un travail de production fictionnelle.16

6. Le cadre de nos ateliers d’écriture poétique

Au sein du département de français de notre établissement de formation d’enseignants, la Pädagogische Hochschule Karlsruhe, nous avons mis au point une approche pédagogique17 où l’étudiant peut découvrir des techniques d’expression appropriées dans le cadre d’ateliers d’écriture poétique. Celles-ci le conduisent à s’exprimer en français de façon intuitive, spontanée, simple et directe pour développer son écriture propre.
Nos ateliers de poésie font partie de l’écriture libre fictionnelle. Nous nous focalisons sur l’aspect poétique de l’écriture, car elle condense davantage la pensée, le ressenti, le vécu personnel, les émotions. Nous sommes néanmoins tout à fait conscients que les textes des apprenants ne relèvent pas tous de la poésie.
Notre démarche s’inspire à la fois des écrits poétiques connus et des textes réflexifs sur l’écriture et les ateliers d’écriture.
Écrits poétique / écrits sur l’écriture (poétique)

  • Raymond Queneau (1961): Cent mille milliards de poèmes.
    Il s’agit d’une approche très ludique pour construire des poèmes.
  • Tristan Tzara (1996): Dada est tatou. Tout est Dada.
    Ce recueil réunit les principaux écrits dadaïstes de l’auteur entre 1916 et 1923.
  • Jérôme Peignot (2004): Typoèmes. Poésie visuelle.
    L’auteur écrit dans la tradition des surréalistes.
  • Roland Marx (2009): Bric-à-brac & micmac dans le labyrinthe du vocabulaire.
    L’auteur joue avec les mots d’un point de sémantique et graphique.
  • David Az (2017): Rêve errance. Poésie & illustrations MixMédia.
    Ce jeune auteur écrit des poèmes très originaux, tant au niveau du contenu que sur le plan graphique.

Écrits réflexifs sur l’écriture et les ateliers d’écriture

  • Leon Leszek Szkutnik (1986): In Deutsch erlebt.
    Il s’agit d’un manuel polonais d’apprentissage de l’allemand, niveau A2 (Cadre européen commun de référence pour les langues). L’auteur est poète et écrivain. Sa partie didactique ne correspond pas au paradigme didactique actuel. Cependant, ses textes de base, souvent très courts, sont inventifs, poétiques, imaginaires… C’est un plaisir de lire ce manuel. À notre connaissance, c’est le seul manuel de langue qui ait un réel caractère poétique.
  • Odile Piment et Claire Boniface (1999): Ateliers d’écriture mode d’emploi de l’animateur.
    Il s’agit d’une mine d’exercices d’écriture subjective.
  • Pierre Varenne (1995): Fichier d’incitation à la recherche et à l’expression. Français.
    Il s’agit d’un fichier de type ‹Pédagogie Freinet› de 50 fiches incitant à l’expression libre et poétique.
  • ICEM 02 et le secteur outils de l’ICEM (2010): Gouttes de mots. Fichier cycle 3: expression poétique.
    Il s’agit d’un fichier de type ‹Pédagogie Freinet› d’une trentaine de fiches incitant à la création poétique, accompagné de productions d’élèves.
  • Michel Arbatz (2011): Guide pratique pour écrire des chansons. Le moulin du parolier.
    Bien que destiné à l’écriture des chansons, le livre propose des pistes qui peuvent être transposées à l’écriture poétique.
  • Martine Boncourt (2011): La poésie à l’école: un langage pour l’émancipation.
    L’auteur décrit comment elle a mis en place l’écriture poétique dans le cadre des classes s’inspirant de la pédagogie Freinet.
  • Liane Dirks (2015): Sich ins Leben schreiben. Der Weg zur Selbstentfaltung.
    Il s’agit d’un guide pour développer une écriture personnalisée et subjective.
  • Daniel Tammet (2017): Chaque mot est un oiseau à qui l’on apprend à chanter.
    L’auteur se dit autiste et décrit son rapport particulier aux langues, maternelles et étrangères; il réfléchit sur son processus cognitif et affectif de production langagière et nous révèle ainsi comment fonctionne l’usage de la langue.

Les objectifs de nos ateliers d’écriture poétique
Nous proposons des activités amenant l’étudiant/l’apprenant à une écriture poétique à travers des exercices qui stimulent l’imagination intuitive et spontanée. Notre souhait est d’aider l’étudiant à dépasser la norme linguistique de la langue cible, à lui faire découvrir ses capacités sensorielles et ses dons intérieurs, voire ses éventuelles fibres artistiques.
Notre approche d’écriture consiste, dans un premier temps, à éveiller les sens: l’ouïe, la vue, le toucher, l’odorat, etc. En les nommant, les citant et les qualifiant, les sens permettent à l’étudiant d’impulser des sensations, un ressenti direct et immédiat. L’objectif n’est pas de faire des constats empiriques sur des sensations, mais d’observer ce qu’il sent intérieurement, à prendre conscience de ses impressions et ses émotions. Ces techniques de travail, tout en mettant de côté ce mécanisme de traduction mentale, promeuvent une écriture spontanée, intuitive, non mentalisée en langue cible.
En même temps, nous souhaitons encourager l’étudiant (et le futur enseignant) à dépasser la norme formelle de la langue. Pour enrichir, cultiver et faire grandir sa nouvelle langue – ici le français – la dite licence poétique prend tout son sens. Le but est de déjouer, si possible, cet acharnement à tout vouloir contrôler dans l’expression linguistique. L’étudiant sera amené à un apprentissage du lâcher-prise. Cette attitude le conduira progressivement à se libérer de ces contraintes, à accepter les «Leerstellen»18, ces ‹places vides› dans un texte poétique qui demande au lecteur de les investir de sens afin de les rendre compréhensibles. C’est pour le lecteur le moment de dépasser les champs (lexicaux, thématiques…) traditionnels, de décrocher du cadre conventionnel et de découvrir ses ressentis, ses sensations et ses émotions. L’étudiant prendra le temps d’observer, d’imaginer et d’aller vers la rêverie. Il s’agit d’une sorte d’introspection de soi qui prend vie. Il aura la possibilité d’aller à la rencontre de lui-même, tout en finesse, et éventuellement de découvrir de nouvelles expressions personnelles. Malgré les erreurs orthographiques, grammaticales, stylistiques ou autres qu’il peut éventuellement commettre, cette démarche encourage une écriture libérée et un esprit voyageur. Elle permet une dédramatisation de l’erreur, un dépassement des inhibitions à écrire et mène vers une confiance à se dire, à s’affirmer.
Notre démarche méthodologique
Bien sûr, le défi d’écrire de manière intuitive, créative, spontanée et avec tous les sens est une situation à double contrainte: on ne peut pas être spontané, créatif et intuitif sur commande. C’est la raison pour laquelle nous travaillons dans la production langagière avec des techniques de dissociation:

  • Étape 1: découplage de la perception sensorielle et de l’expression langagière.
  • Étape 2: activation consciente et séparée de trois sens, la vue, l’ouïe et le toucher.
  • Étape 3: la connexion arbitraire des mots au sens, d’abord au niveau de la phrase, puis au niveau du texte.

Dans le cadre de ce travail, nous promouvons et favorisons également des techniques comme la concaténation, la confusion, des polarités, la saturation, la métaphorisation… afin de stimuler le processus d’écriture créative.

7. Notre démarche pédagogique: présentations et observations de quelques techniques exemplaires

L’ambiance
L’étudiant entre dans la salle, accueilli par une musique de fond. Un petit goûter permet de se retrouver pour partager une collation et créer un premier échange. Cette arrivée est voulue pour créer une atmosphère différente du quotidien universitaire. Nous enchaînons vers une présentation de l’atelier d’écriture. Nous rappelons la règle de la confidentialité: les échanges lors de cet Atelier de poésie ne sont ni communiqués ni rapportés à des personnes extérieures à cet atelier. Elle permet de s’exprimer en toute sécurité.
Ci-dessous, nous présenterons les différents exercices et discuterons notre démarche.

7.1. Des exercices d’entraînement à l’expression personnelle

Exercice n° 1: La clef de présentation
Cet exercice consiste à se présenter individuellement en langue cible à travers l’objet d’un trousseau de clefs en répondant à deux questions.

Prenez votre trousseau de clefs. Choisissez deux clefs et racontez:
- Pourquoi avez-vous choisi ces clefs?
- À quoi servent-elles?

Le but de cette présentation individuelle est d’aider l’étudiant à parler de lui, au sein du groupe, de façon indirecte et d’une manière très concise. Ce premier exercice permet au responsable de l’atelier de saisir l’atmosphère du groupe, d’observer le niveau de langue des étudiants et leurs différentes capacités à s’exprimer.
Le support matériel de la clef est un prétexte pour prendre la parole et dévoiler un petit bout de soi et de son intimité. Le caractère dépouillé de cet exercice le rend souvent drôle et surprenant. Cette approche pose déjà le cadre pour l’ensemble du séminaire: être spontané, personnel et bref à la fois. Il développe un sentiment d’appartenance au groupe, facteur de motivation et d’implication. D’autres objectifs pourraient également servir comme support.
Exercices n° 2: Observer et s’exprimer à partir de cartes postales
Cet exercice invite les étudiants à se livrer à une observation subjective d’un support iconographique afin d’arriver à une expression écrite simple.

  1. Choisissez une carte qui vous touche.
  2. Que ressentez-vous, à quoi l’image vous fait rêver?
    Faites une liste de noms, d’adjectifs et d’onomatopées.
    Exemples de nom à partir de la photo d’une porte: ➔ avenir, ouverture…
    Exemples d’adjectif: ➔ magnifique, opportune…
    Exemple d’une onomatopée: ➔ ouah!
  3. Reliez les noms, adjectifs et onomatopées avec des verbes. Exprimez-vous en quelques phrases. Évitez une description de l’image.
  4. Présentez les phrases devant tout le groupe.

L’objectif n’est pas de décrire ce que l’on voit. Il s’agit plutôt de stimuler l’imagination des étudiants et de réactiver en même temps leur vocabulaire. Les deux étapes de cet exercice reflètent la technique dissociative.

  • Dans un premier temps: l’évocation d’images mentales,
  • dans un deuxième temps: l’association arbitraire des images à des formes verbales pour produire enfin des énoncés en langue cible.

Ainsi, l’étudiant ne démarre plus l’acte énonciatif en construisant une pensée complexe dans sa langue maternelle, l’amenant à la traduire ensuite quasi littéralement. Au contraire, il effectue un inventaire d’associations qui lui passe par la tête et ensuite seulement, il passe à la formulation écrite de ses idées. La contrainte dissociative l’amène à s’exprimer avec plus de brièveté et de concision.
Exercice n° 3: L’expression de ses sensations
Ce travail permet de s’observer et de s’interroger à partir d’un événement vécu, en produisant des phrases élémentaires. Cet exercice se fait en petits groupes.

  1. Chaque étudiant réfléchit seul:
    - Pensez à une expérience personnelle, positive et géniale.
    - À partir de cette expérience, décrivez vos émotions.
  2. Chaque étudiant raconte aux membres de son groupe de table son expérience extraordinaire et personnelle.
  3. Chaque groupe choisit une histoire.
  4. Pour cette histoire, décrivez vos émotions à travers les 4 consignes suivantes en faisant une phrase par consigne.
    - Phrase 1: Donnez un titre à votre histoire.
    - Phrase 2: Décrivez votre expérience en une seule phrase.
    - Phrase 3: Qu’est-ce cette expérience extraordinaire vous fait ressentir?
    - Phrase 4: Pour augmenter les sensations de cette expérience, posez une question.
  5. Un étudiant présente les 4 phrases devant tout le groupe.

Nous ne demandons pas à l’étudiant d’exprimer ses émotions, c’est-à-dire d’expliquer ou d’interpréter une réalité vécue. Nous lui proposons de parler seulement d’une sensation vécue, de ce qui est capté par ses sens: vue, ouïe, odorat, toucher, goût…
Il s’agit d’une démarche de prise de conscience; c’est un premier pas vers une écoute intérieure et son partage avec les autres. Elle permet d’entrer en écriture en toute confiance, sans trop mentaliser. Avec cet exercice, nous approfondissons la technique dissociative: expression du ressenti accompagnée d’une interrogation. Nous focalisons en même temps sur la concision de l’expression, propre au style poétique et favorisant par là la métaphorisation de l’énoncé, la synthétisation de la pensée, l’appropriation subjective.
Exercice n° 4: Travail sur les champs lexicaux et le vocabulaire
Pour faire expérimenter aux étudiants les richesses de la langue, nous utilisons comme support un thesaurus de la langue française. Lors d’une première approche, avec l’aide des étudiants, le formateur fait, au tableau, un schéma heuristique en rapport avec, par exemple, le champ lexical de l’eau (voir la carte mentale ci-dessous).

Alt

Ensuite, nous travaillons en binôme sur le champ lexical de quelques mots, par exemple: vie, soleil, intelligence, fin, joie, poésie. Afin de faciliter le travail, nous avons demandé aux étudiants, avant le séminaire, de télécharger l’application du Thésaurus français sur leur téléphone portable.

  1. À l’aide du Thésaurus, cherchez le champ lexical des mots suivants: vie, soleil, intelligence, fin, joie, poésie.
  2. À partir de ces champs lexicaux trouvés, écrivez une première phrase.
  3. Ensuite, construisez une phrase comparative ou une métaphore.
    Exemple: Terre
    ➔ Terreau, motte de terre, humus, terre d’argile, alluvionnage, enterrage, terrassement, poterie…
    ➔ Comme une motte de terre aride, je tombe entre deux flaques d’eau.
  4. Présentez les phrases devant tout le groupe.

Cet exercice permet aux étudiants d’enrichir leur vocabulaire. Il permet d’explorer la finesse de l’expression, de jouer avec les mots et de s’exprimer de façon plus élaborée.
Exercice n° 5: La découverte et le ressenti des poèmes d’auteur
Comme entrée dans l’écriture poétique, nous avons choisi les poèmes «Scène nocturne du 22 avril 1915» de Guillaume Apollinaire (1915), un extrait de «Tentative de description d’un dîner de têtes à Paris-France» de Jacques Prévert (1946) et «Regard» de Farid Boulouh (2012).19
Cet exercice a pour but d’entrer dans la lecture d’un poème et d’exprimer son ressenti, sans juger l’auteur du poème ou son style d’écriture.

  1. Lectures et compréhension
    - 1ͤ  lecture du formateur (sans support),
    - 2ͤ  lecture du formateur (avec support papier du poème),
    - 3ͤ  lecture de quelques étudiants.
  2. Que ressentez-vous en écoutant le poème? Notez-le.
  3. Présentez votre texte devant tout le groupe.

Dans un premier temps, le formateur demande aux étudiants de fermer les yeux et d’être attentif à la lecture du poème. Il insiste sur la prosodie et la musicalité du texte afin de faire vivre et transmettre les sensations procurées par la lecture. Après la distribution du texte du poème, les étudiants suivent la deuxième lecture sur feuille. Les mots inconnus sont expliqués. Enfin, quelques étudiants lisent le poème à voix haute. Dans un deuxième temps, le formateur demande aux étudiants d’exprimer leurs ressentis. Voici quelques notes d’étudiants par rapport au poème de G. Apollinaire:

«J’ai ressenti une folie amoureuse pleine d’attente ou de rêve pleinement dénudé.»
«Il y a de la tristesse, de la curiosité, de l’espoir, du désespoir, le désir d’être proche, une peur de la suite; choqué, romantique.»
«Érotique, plus fort, attente sans même savoir, extrême monotonie.»
«Il s’étale. Triste, plein de doutes, pas d’espoir d’être heureux.»
«Exagération, de la pitié, une dépendance de l’amour.»
«Exagération, extrême du désir, déprimant.»

Voici quelques notes d’étudiants par rapport au poème de F. Boulouh:

«Triste. Amour impossible. La brièveté de l’amour. Un amour non vécu.»
«Une relation à distance.»
«Chercher la sécurité dans l’autre.»
«L’amour est passé par là. Les yeux sont les portes de l’amour.»
«Une histoire d’amour à travers les yeux.»
«Une impossibilité de saisir le regard.»
«Quelqu’un qui a besoin de l’autre et en souffre.»
«Grande dépendance vis-à-vis de l’homme.»
«Un regard même dans la source et une forte puissance.»
«L’un ne peut pas atteindre l’autre.»
«Un miroir. Je me vois dans le regard, dans la recherche de soi-même, ou la mort d’une personne.»

L’échange des notes exprime une multitude de ressentis; ils sont à la fois très personnels et très différents, voire opposés: l’un ressent par exemple à propos de «Regard» «une relation à distance», l’autre une «grande dépendance vis-à-vis de l’homme». L’objectif n’est pas de trouver la bonne interprétation d’une œuvre poétique.
Ce travail propose à l’étudiant un espace d’expression et d’écriture personnelles tout en le libérant d’une éventuelle interprétation ‹officielle› et conventionnelle. La consigne propose juste de dire son ressenti, favorisant une approche plus subjective de la poésie. Celle-ci joue alors un effet miroir. Chacun se sert du poème pour exprimer ce qu’il éprouve: la joie, la tristesse, la beauté… Les étudiants se projettent dans le texte. C’est la raison pour laquelle certains voient dans les poèmes cités une recherche de sécurité, une histoire d’amour, etc.; d’autres encore ne trouvant pas les mots pour s’exprimer.

7.2. Les ateliers d’éveil des sens

La première partie du séminaire est composée de divers exercices entraînant à parler de soi de façon spontanée, brève et concise devant un groupe. Elle permet de s’observer, d’exprimer ses ressentis. Dans la deuxième partie de l’Atelier de poésie, le moment d’écriture fait directement appel aux sens (le toucher, la vue et l’ouïe), à partir de divers supports afin d’éveiller l’imagination.
Atelier 1: Le toucher
Nous avons mis dans des bocaux opaques divers: des boules d’aluminium, de la farine, des bonbons collants, des feuilles d’arbres séchées, des boulons et des vis à tête fraisée, des cailloux, du sable, des poils d’une brosse, du riz, du sucre, des bouts de scotch, du papier de verre… Les consignes sont les suivantes:

  1. Touchez d’une seule main les objets dans chaque bocal.
  2. Faites une liste d’adjectifs relatant ce que vous avez ressenti en touchant les objets.
  3. Mettez en face de chaque adjectif un nom sans nommer l’objet.
  4. Reliez les noms et adjectifs pour faire une phrase.
  5. Présentez les phrases devant tout le groupe.

Atelier 2: La vue
(Des tableaux sont affichés dans la salle.)

  1. Baladez-vous dans la salle. Choisissez un tableau.
  2. Observez le tableau choisi et écrivez les mots qui vous viennent à l’esprit.
  3. À partir de vos mots, écrivez un texte. Ne décrivez pas le tableau.
  4. Présentez votre texte devant tout le groupe.

Atelier 3: L’ouïe
(Les étudiants entendent une musique de relaxation.)

  1. Écoutez la musique et écrivez les mots qui vous viennent à l’esprit.
  2. Observez le tableau choisi et écrivez les mots qui vous viennent à l’esprit.
  3. À partir de vos mots, écrivez un texte.
  4. Présentez votre texte devant tout le groupe.

Ces ateliers de stimulation des sens favorisent un lâcher-prise et un décrochage du processus cognitif traditionnel de production langagière écrite. Comme les textes écrits par les étudiants le montrent, la traduction mentale a laissé la place à une expression personnalisée et originale.
Notre démarche mène les étudiants à prendre conscience de la facilité avec laquelle ils peuvent s’exprimer à l’écrit. L’ensemble des exercices se laisse transposer à l’école, dans une classe de langue. Les étudiants, futurs enseignants de français, pourront donner la parole à des apprenants, même si ces derniers ont encore un niveau élémentaire en langue cible. Cette approche leur montre qu’avec peu de moyens langagiers, une expression singulière est possible. C’est le propre de cet esprit de création poétique:

  • il installe un climat où l’auteur se sent en sécurité pour écrire,
  • il permet d’accueillir tous les styles et genres d’écriture,
  • il accepte la prise de distance salutaire avec la norme linguistique,
  • il dépasse les blocages dus au souci de commettre des erreurs,
  • il stimule une sorte d’introspection de soi qui prend vie grâce aux observations de ses ressentis et de ses sens,
  • il fait dérocher du rationnel et du conventionnel.

Notre approche trouvera son prolongement naturel dans l’expression corporelle libre (atelier de théâtre) et l’expression artistique (atelier de dessin).

Exemples de textes d’étudiants de nos différents ateliers

La vie
Jeux de mots,
Durs comme du fer.
Enfants dans le jardin lançant un ballon aux
Fenêtres qui se cassent.
Roue de la voiture,
Pneu éclatant au milieu de la route
Volant dans le ciel, se sentant léger comme un oiseau
Lourd – c’est la terre!
(Rahel, 2013, Karlsruhe)

Le savon
Glisse et colle
Comme un jouet entre mes doigts.
Je me froisse,
Il se détend,
Passe du rugueux à la douceur.
(Linda, 2013, Karlsruhe)

Le Phare
Au milieu des ténèbres
Seule dans la tempête
Des cris pas entendus
Les eaux coulent avec puissance, sans regret
Peur face à la mort
Personne ne vienne à mon secours?
Là – une lumière!
Allumée tout d’un coup
Non loin la sécurité
Les portes s’ouvrent
Bienveillance
Au repos
(Rahel Wicki, 2016, Karlsruhe)

Couleurs, joies
Couleurs, joies,
Douces ténèbres,
Volantes par-dessus nos têtes.
À tort et à travers,
Par ici, par là,
Ne sachant où chercher,
Ne sachant où se perdre,
Cachées au lointain de l’horizon.
Les trouves-tu?
Souriant comme un enfant…
(Sophie Gokce, 2016, Karlsruhe)

La grande dame
La dame a des cheveux bleus,
Elle ouvre ses beaux yeux.
Sa vie est multicolore et belle,
Comme le grand teint d’elle.
Pour moi, c’est chaotique,
Mais elle est tellement chique.
Tout y est parce qu’elle a trouvé l’amour.
La grande dame – bonjour!
(Lisa, 2013, Karlsruhe)

Arc-en-ciel
Des couleurs comme un arc-en-ciel
Des fois jaune
Des fois rouge
Des fois vert
Des fois bleu
Des fois blanc
Des fois noir
Chaque jour des couleurs différentes
Chaque jour un nouveau mélange
Chaque jour de nouvelles possibilités de s’épanouir
(Klara, 2015, Karlsruhe)

Regard
Un seul regard
Ils se rencontraient.
Leurs cils longs et plus longs.
Rien ne les séparait.
Ils s’amusaient.
Leurs regards longs et plus longs.
Rien ne les séparait.
Ils souriaient.
Leur distance longue et plus longue.
Rien ne les séparait.
Ils s’aimaient.
Leurs rencontres longues et plus longues.
Rien ne les séparait.
Mais c’était un seul regard.
(Mareike, 2013, Karlsruhe)

Liberté
Je veux sortir,
Sortir de cette cage limitée.
Je ne veux pas finir,
Pas finir des choses illimitées.
Je ne veux pas maigrir,
Je veux grandir comme une plante au printemps.
Je veux sentir,
Sentir comme la vie qui passe sans repères.
Je veux partir,
Partir aux régions inconnues.
Je ne veux pas mentir,
Pas mentir aux personnes connues.
Tout ce que je veux, c’est agir libre.
(Dominik Bajura, 2015, Karlsruhe)

Couleurs
Bleu comme la mer.
Noir comme la nuit.
Rouge comme la mer en colère.
Tenez le coup!
Orange comme le lever du soleil.
Jaune comme un nouveau jour.
En route!
(Lena Kauselman, 2015, Karlsruhe)

Regretté
Regretté,
Il s’est mis à écrire une lettre.
En vue d’exprimer ses sentiments
Qu’il a dissimulé depuis longtemps.
Il avait le cœur serré et il était indécis.
Pour dévoiler le secret doux:
Je ne suis qu’une poussière dans l’éternité,
Peut-être, pour cette raison, me semble-t-il effroyable.
(Natali Bazin, Istanbul (Turquie), mars 2015)

La ficelle
J’utiliserai la ficelle rugueuse pour tuer mon amant.
Puis, je créerai la menace avec l’éponge soft.
Quand tout est fait et fini.
Mon verre de vin m’attendra sur la table.
Le départ, qui était le point final de mon enfance,
Était le commencement de mon voyage sur moi.
Dès «l’au revoir» qui ne sert point à la bienséance,
Je n’ose pas «avoir besoin»…
Devenir une femme indépendante,
Explorer les côtés de ma folie,
D’être capable de m’aimer moi-même…
Ouais, j’ai souffert – bien, et j’ai souffert – assez.
Mais le voyage continue quand même.
(Busra Uysall, Istanbul (Turquie), mars 2015)

Le ressenti
J’imagine la vieille maison de ma grand-mère,
J’ai ressenti l’odeur du salon.
Le jour où j’avais cassé un abat-jour.
Il faisait froid et sombre.
Je suis à la plage,
Le sable partout dans mes cheveux,
Laver les cheveux,
Ça m’étouffe.
(Imge Dönmez, Istanbul (Turquie), mars 2015)

Un soir…
Le soir de pleine lune, je me suis réveillé et j’ai vu mon petit nounours poilu,
Avec son œil en verre, manger mes bonbons!
Je ne l’avais pas vu depuis longtemps.
Le destin se joue de moi!
(Alexandroúpolis (Grèce), novembre 2015)

L’amour
L’amour est dur, mais il donne du plaisir!
Il donne aussi des pleurs, mais avec des bras ouverts.
Fini les pleurs.
C’est la fête!
(Alexandroúpolis (Grèce), novembre 2015)

Eines Nachts
Eines Nachts bin ich spazieren gegangen.
Draußen war es kalt.
Doch es gab viele Leute unterwegs.
Aber Fremdheit überall.
Warmheit, das gefällt mir.
Wenn es warm ist, fühle ich mich zu Hause.
Aus Steinboden war die Straße,
hart gegen meine Füße.
Alles, was hart ist, hat mich immer verletzt.
Ich musste weg,
auf der Suche nach einer Spitze,
noch einmal frei zu sein
und gewinnen,
endlich.
(Antonella die Tommaso, Pescara (Italie) oct. 2013)

Bibliographie

Arbatz, Michel (2011): Guide pratique pour écrire des chansons. Le moulin du parolier. Saint-Julien Molin Molette: Jean-Pierre Huguet éditeur (4ͤ   édition).
Az, David (2017): Rêve errance. Poésie & illustrations MixMédia. Strasbourg: Éditions épingle à nourrice.
Bassis, Henri (s. l. dir.  d.) (1982): Quelles pratiques pour une autre école? Le savoir aussi, ça se construit! Paris/Tournai: Casterman.
Bénabou, Marcel/Roubaud, Jacques (2017): OULIPO. En ligne sur le site de l’association: www.oulipo.net (dernière consultation: 02/04/2019).
Betz, Hans-Jörg (1995): «Spielerisch agieren, imaginieren und kommunizieren – ein Weg zu mehr Ganzheitlichkeit im Fremdsprachenunterricht», in: Timm, J.-P. (s. l. dir. d.) (1995): Ganzheitlicher Fremdsprachenunterricht. Weinheim: Deutscher Studienverlag, 78–104.
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Boniface, Claire (1992): Les ateliers d’écriture. Paris: Retz.
Bräuer, Gerd (1996): Warum schreiben? Schreiben in den USA: Aspekte, Verbindungen, Tendenzen. Berne: P. Lang.
Breton, André (1924): Manifeste du surréalisme. Paris: Éditions du Sagittaire.
Demare, Lucie (2011): Des ateliers d’écriture avec des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, une expérience de prise en charge individuelle. Impact sur leur relation à l’écrit au quotidien. Nancy: Université de Nancy 1, École d’orthophonie de Lorraine. Mémoire de fin d’études. En ligne sur le site de l’université: https://hal.univ-lorraine.fr/hal-01879572/document (dernière consultation: 02/04/2019).
Dirks, Liane (2015): Sich ins Leben schreiben. Der Weg zur Selbstentfaltung. Munich: Kösel-Verlag.
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Elbow, Peter (1973): Writing Without Teachers. New York: Oxford University Press.
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Peignot, Jérôme (2017): Typoèmes. Poésie visuelle. Arles: Actes Sud.
Peters, Manfred (2000): «Der Lehrer ist Politiker und Künstler. Die Pädagogik Paulo Freires im DaF-Unterricht», in: Schlemminger, Gérald/Brysch, Thomas/Schewe, Manfred, M. L. (s. l. dir. d.) (2000): Pädagogische Konzepte für einen ganzheitlichen DaF-Unterricht, Berlin: Cornelsen, 212–229.
Peton, Jean-Claude (2006): 44 petits ateliers d’écriture. Marseille. Sur le blog personnel de l’auteur: http://ekladata.com/hZh4On6Uoi5q4z9kL0TTW_kHh1w/44-petits-ateliers-d-ecriture.pdf (dernière consultation: 02/04/2019).
Piment, Odile/Boniface, Claire (1999): Ateliers d’écriture mode d’emploi de l’animateur. Paris: ESF éditeur.
Queneau, Raymond (1961): Cent mille milliards de poèmes. Paris: Gallimard.
Rossignol, Isabelle (1996): L’invention des ateliers d’écritures en France – Analyse comparative de sept courants clés. Paris: L’Harmattan.
Schlemminger, Gérald (2008): Rapport de stage, corpus «cours de FLE». Document interne, non-publié.
Schlemminger, Gérald/Boulouh, Farid (2017): «Éducation – culture – littérature», in: Dialog. Bildungsjournal der Pädagogischen Hochschule Karlsruhe, 4/2017, H. 2, 19–25.
Szkutnik, Leon Leszek (1986): In Deutsch erlebt. Varsovie: Panstwowe Wydawnictwo Naukowe.
Tammet, Daniel (2017): Chaque mot est un oiseau à qui l’on apprend à chanter. Paris: Les Arènes. (Titre original: Every Word is a Bird we Teach to Sing).
Tzara, Tristan (1996): Dada est tatou. Tout est Dada. Paris: Flammarion.
Varenne, Pierre (1995): Fichier d’incitation à la recherche et à l’expression. Français. Nailly: Éditions Odilon.
Vignier, Gérard (1982): Écrire. Éléments pour une pédagogie de la production écrite, Paris: Clé international.
Wernsing, Armin Volkmar (1995): Kreativität im Französischunterricht. Handeln durch Texte. Berlin: Cornelsen.

Annexes

Guillaume Apollinaire
Scène nocturne du 22 avril 1915

Mon petit Lou adoré
Je voudrais mourir un jour que tu m’aimes
Je voudrais être beau pour que tu m’aimes
Je voudrais être fort pour que tu m’aimes
Je voudrais être jeune pour que tu m’aimes
Je voudrais que la guerre recommençât pour que tu m’aimes
Je voudrais te prendre pour que tu m’aimes
Je voudrais te fesser pour que tu m’aimes
Je voudrais te faire mal pour que tu m’aimes
Je voudrais que nous soyons seuls dans une chambre d’hôtel à Grasse pour que tu m’aimes
Je voudrais que nous soyons seuls dans mon petit bureau près de la terrasse couchés sur le lit de fumerie pour que tu m’aimes
Je voudrais que tu sois ma sœur pour t’aimer incestueusement
Je voudrais que tu eusses été ma cousine pour qu’on se soit aimés très jeunes
Je voudrais que tu sois mon cheval pour te chevaucher longtemps longtemps
Je voudrais que tu sois mon cœur pour te sentir toujours en moi
Je voudrais que tu sois le paradis ou l’enfer selon le lieu où j’aille
Je voudrais que tu sois un petit garçon pour être ton précepteur
Je voudrais que tu sois la nuit pour nous aimer dans les ténèbres
Je voudrais que tu sois ma vie pour être par toi seule
Je voudrais que tu sois un obus boche pour me tuer d’un soudain amour.
(in: Poèmes à Lou, publication posthume, 1947)

Farid Boulouh
Regard

Affligeant, je l’aime de regard
Fragile, j’en vie et ris
Passager, il s’appuie
Fulgurant tel un cœur en l’air, il s’abaisse blessé
Dans l’effort, il gagne en lui
Serait hermétiquement présent
La chute, lui plein d’habilité
Adieu l’élixir secret mourant à l’étincelle d’elle.
(écrit en 2012)

Jacques Prévert
Tentative de description d’un dîner de têtes à Paris-France

Ceux qui pieusement
Ceux qui copieusement
Ceux qui tricolorent
Ceux qui inaugurent
Ceux qui croient
Ceux qui croient croire
Ceux qui croa-croa
Ceux qui ont des plumes
Ceux qui grignotent
Ceux qui andromaquent
Ceux qui dreadnoughtent
Ceux qui majusculent
Ceux qui chantent en mesure
Ceux qui brossent à reluire
Ceux qui ont du ventre
Ceux qui baissent les yeux
Ceux qui savent découper le poulet
Ceux qui sont chauves à l’intérieur de la tête
Ceux qui bénissent les meutes
Ceux qui font les honneurs du pied
Ceux qui debout les morts
Ceux qui baïonnette… ont
Ceux qui donnent des canons aux enfants
Ceux qui donnent des enfants aux canons
Ceux qui flottent et ne sombrent pas
Ceux qui ne prennent pas le Pirée pour un homme
Ceux que leurs ailes de géant empêchent de voler
Ceux qui plantent en rêve des tessons de bouteille sur la grande muraille de Chine
Ceux qui mettent un loup sur leur visage quand ils mangent du mouton
Ceux qui volent des œufs et n’osent pas les faire cuire
Ceux qui ont quatre mille huit cent dix mètres de Mont Blanc, trois cents de Tour Eiffel, vingt-cinq centimètres de poitrine et qui en sont fiers
Ceux qui mamellent de la France
Ceux qui courent, volent et nous vengent, tous ceux-là, et beaucoup d’autres entraient fièrement à l’Élysée en faisant craquer les graviers, tous ceux-là se bousculaient, se dépêchaient, car il y avait un grand dîner de têtes et chacun s’était fait celle qu’il voulait.
(in: Paroles, 1946)

  1. Joachim du Bellay, 1549: *La Deffence, et Illustration de la Langue Francoyse*, Paris: L'Angelier, Arnoul, chap. VI, 32v.
  2. Anm. d. Red.: Unter Umständen fehlende bibliografische Angaben wurden uns bis Redaktionsschluss leider nicht nachgereicht; die Redaktion bittet, sich bei bei Fragen direkt an die Autoren zu wenden.
  3. *Cf*. aussi Donahue 2008.
  4. *Rapport de stage*, Schlemminger 2008.
  5. *Cf*. Rossignol 1996.
  6. *Cf*. Breton dans le premier *Manifeste du surréalisme*, 1924.
  7. *Cf*. Bénabou / Roubaud 2017.
  8. *Cf*. Freire 1970 et 1971. Pour une application de cette démarche à l’enseignement des langues, voir Peters (2000).
  9. *Cf*. Freinet 1947.
  10. *Cf.* Bassis (s. l. dir. d.) (1982).
  11. *Cf.* Elbow (1973) et Le Bohec (1996).
  12. *Cf.* Bräuer (1996).
  13. *Cf.* Kirchmeir (2013) et Merkelbach-Weis (2013); aussi: Mummert (1984), Lamy (1986), Vignier (1982), Wernsing (1995), Betz (1995).
  14. Boniface 1992: 27.
  15. Peton 2006: 3.
  16. Rappelons que les ateliers d’écriture peuvent aussi avoir un caractère thérapeutique comme le montre, par exemple, Demare (2011) à l’instar des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Mentionnons également les productions de résidents de l’hôpital psychiatrique La Borde (Loir-et-Cher) dans leur revue mensuelle *Nouvelles labordiennes*. Une quinzaine d’établissement pénitentiaires proposent également des ateliers d’écriture/de poésie.
  17. *Cf.* aussi G. Schlemminger / F. Boulouh 2017.
  18. *Cf.* Iser 1976.
  19. Voir les textes en annexe.